Mieux : l’homme vinifie face à l’Atlantique, mais aussi… dedans ! Le procédé, qu’il a breveté, utilise la baie de Saint-Jean-de-Luz comme un chai sous-marin en immergeant des barriques de plastique à 10 mètres de fond durant six mois. «La température et le mouvement de l’eau bonifient la fermentation», affirme l’ingénieur agronome devenu vigneron. Avec son léger pétillant, ses arômes de goyave et d’agrume, son vin «nouvelle vague» surprend. Mais, sur la côte basque, il a été adopté.

Au Pays Basque, on aime ceux qui osent

«Explorer de nouveaux domaines, prendre des risques, quitte à se planter, fait partie de l’âme basque», remarque Emmanuel Poirmeur. Ce peuple de farouches travailleurs autant que de joyeux fêtards puise sa force dans ses coutumes, comme celle du droit d’aînesse abolie par la Révolution française. Clé de voûte de la structure familiale paysanne, elle commandait aux cadets de prendre le large pour se forger un avenir. De là naquit la «huitième province» du Pays basque (qui, entre France et Espagne, en compte sept), une diaspora de 5 millions de personnes éparpillées sur le globe. «Un puissant réseau, observe Mathieu Dutilh, en charge des questions économiques à la Communauté d’agglomération Pays basque, un regroupement de 158 communes françaises. La mutualisation des efforts et des ressources a toujours été présente dans les mentalités.» Au début du XXe siècle, cela s’est exprimé par la création de coopératives. Le groupe Mondragon, en Espagne par exemple.

Fondé par un prêtre et les salariés associés d’une usine de fourneaux de Saint-Sébastien, c’est aujourd’hui la plus grande coopérative du monde, qui réunit 300 entreprises. Côté français, ce dynamisme se traduit par une moyenne de 2 200 créations annuelles d’entreprises pour un territoire de 310 000 habitants – record hexagonal – et un taux de chômage inférieur de deux points à celui de l’ensemble du pays. Côté espagnol aussi, où vivent 3,5 millions de personnes, le taux de chômage est inférieur à la moyenne ibérique depuis vingt ans. Et Saint-Sébastien s’affiche comme la capitale de la modernité, aimantant foodistas le week-end, scientifiques et ingénieurs la semaine.

Glissicon Valley : la culture du surf, très présente au Pays Basque

Le phénomène est tel que, depuis les années 2000, sociologues et économistes parlent de cette côte étirée entre deux pays comme de la « Californie de l’Europe ». « La comparaison est pertinente, observe Emmanuel Poirmeur, qui a vécu aux Etats-Unis avant de se lancer dans le vin. Ici comme là-bas, la culture du surf a instillé un mode de vie cool et proche de la nature. » L’entreprise espagnole Wavegarden, de Saint-Sébastien, installe ses spots de surf artificiels (de gigantesques piscines-lagons agitées par des générateurs de vagues) partout dans le monde.https://e9badb16ff0fd1b2570dab77e4afb855.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html

Et en France, la région a gagné un autre surnom : «Glissicon Valley». «Notre littoral est devenu l’épicentre d’un phénomène mondial : on n’a jamais vu autant de gens avec une planche !», constate Jean-Louis Rodrigues, qui s’exprime au nom des 180 entreprises liées aux sports de glisse installées sur la côte française. Le siège européen de la multinationale Boardriders, situé à Saint-Jean-de-Luz, est défié par de jeunes pousses qui proposent des produits innovants.

A Anglet, Notox, qui commercialise des planches de surf en matériaux écologiques. A Bayonne, Loeva, qui rencontre un succès fou avec ses paddles transparents. Depuis l’été dernier, on se bouscule chez Colors of Surfing, en plein Biarritz, pour louer ses planches dernier cri. «Des modèles haut de gamme confectionnés par les meilleurs shapers de la région», explique le cofondateur, Antonin Villers, tout juste 25 ans.

La petite Californie surfe aussi sur d’autres vagues

L’économie bleue, liée à la mer. «Le biomimétisme marin [des inventions qui s’inspirent de la nature ou des animaux] ou l’énergie houlomotrice (produite par les vagues), seront des locomotives de notre développement», prévoit Mathieu Dutilh, de la Communauté d’agglomération Pays basque. Cette dernière entretient une demi-douzaine de technopoles comme Technocité à Bayonne (industrie aéronautique et robotique) ou Arkinova à Anglet (écoconstruction)… Parmi les succès, celui de deux cousins dont la start-up, Scale, à Anglet, réutilise les écailles des poissons jetés par les mareyeurs pour fabriquer de la Scalite, un matériau recyclable et compostable. Osé et génial.

Et puis, bien sûr, cette Côte ouest aux grands espaces préservés ne peut que faire envie par les temps qui courent, malgré l’envolée des prix de l’immobilier depuis une dizaine d’années. A Biarritz ou à Saint-Jean-de-Luz, dès le confinement de mars 2020, le taux d’occupation des résidences a été similaire à celui de la période estivale. Depuis, retraités, vacanciers, vedettes du showbiz, télétravailleurs débarqués de BordeauxToulouse ou Paris… chacun cherche sa maison face au large ou avec vue sur les Pyrénées. «Les gens viennent s’installer ici parce qu’ils veulent dorénavant travailler là où ils ont choisi de vivre», note Gilles Sixou, le directeur général d’un espace de coworking qui a ouvert cet été à Biarritz.

Le lieu compte 8 300 mètres carrés de bureaux ultramodernes, un auditorium, un restaurant d’affaires, une salle de fitness… Sans oublier la terrasse panoramique. De là-haut, on peut voir les vagues au loin. Et programmer une session de surf entre deux réunions de travail.

➤ Dossier spécial Pays basque paru dans le magazine GEO de mai 2021 (n°507). 

ARTCILE EXTRAIT DE GEO ECRIT PAR SÉBASTIEN DESURMONT Publié le 04/08/2021 à 11h18 – Mis à jour le 04/08/2021

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