La vente d’une parcelle louée par bail rural à long terme à une commune dans les cinq ans de la transmission à titre gratuit emporte remise en cause de l’exonération partielle, même si elle est justifiée par l’intérêt public (Cass. com., 15 déc. 2021, n° 20-15.505) :

Deux sœurs Mme A et Mme B consentirent à l’époux de Mme B un bail rural à long terme portant sur un ensemble immobilier composé de plusieurs terrains et bâtiments d’exploitation. A la suite du décès de Mme A en 2007, Mme B a hérité de sa part détenue dans cet ensemble immobilier et a bénéficié de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 793, 2, 3° du CGI concernant les mutations de biens donnés à bail rural à long terme.Actu 220201


Fin 2008, Mme B a vendu à une commune une parcelle de terrain faisant partie du bien rural loué à long terme. En 2011, la direction générale des finances publiques a adressé à Mme B une proposition de rectification remettant en cause l’exonération partielle des droits de mutation dont elle avait bénéficié, au motif que la condition de conservation du bien pendant cinq ans à compter de la transmission, prévue par l’article 793 bis du CGI, n’avait pas été respectée.

La Cour d’appel fait droit à la contribuable, de sorte que l’administration fiscale se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel :

« Vu les articles 793, 2, 3° et 793 bis du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, et l’article L. 80 A, alinéa 2, du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 :

7. Selon les deux premiers de ces textes, sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit les biens donnés à bail rural à long terme, à concurrence des trois quarts de leur valeur, sous réserve que ces biens demeurent la propriété du donataire, héritier et légataire pendant cinq ans à compter de la date de la transmission, faute de quoi les droits sont rappelés, majorés de l’intérêt de retard visé à l’article 1727.

8. Il résulte du troisième que si l’interprétation d’un texte fiscal que l’administration a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause peut être opposée par le redevable à l’administration, c’est à la condition que cette doctrine s’applique expressément et directement à la situation en cause.

9. Pour accueillir la demande de décharge des rappels de droits afférents à la transmission de la parcelle de terrain ultérieurement cédée à la commune de Saint-Ismier, l’arrêt énonce que la remise en cause de l’exonération partielle des droits de mutation portant sur des biens donnés à bail rural à long terme n’est pas encourue en cas de cession des biens concernés avant l’expiration du délai de cinq ans pour cause d’utilité publique. Il relève que l’acte de vente de la parcelle en cause, cédée à la commune de [Localité 6] [la commune] avant l’expiration de ce délai, mentionne que « l’acquisition est réalisée dans le cadre de l’aménagement de la zone d’équipement public de Vergibillon » et qu’une enquête publique a été ouverte en février 2007 pour modifier le plan local d’urbanisme de la commune de [Localité 6] [la commune] en vue de créer une zone d’équipements publics et para-publics comprenant notamment une aire d’accueil des gens du voyage, la déchetterie et le service départemental d’incendie et de secours. Il en déduit que, si la vente au profit de la commune est intervenue à l’amiable, elle portait sur un bien inclus dans le périmètre de la zone d’équipements publics et était donc justifiée par un intérêt public, de sorte que l’administration fiscale n’était pas fondée à remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle des droits de mutation portant sur cette parcelle.

10. En statuant ainsi, alors que la doctrine administrative invoquée par Mme [Z] [Mme A], résultant de la réponse ministérielle Herment (RM Herment n° 6285, JO Sénat du 4 août 1994), qui précise la portée de l’instruction du 16 mai 1990 accordant un tempérament à la déchéance du régime de faveur pour non-respect du délai de conservation de cinq ans, est réservée aux hypothèses où une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique a été mise en œuvre, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Avis de l’AUREP : la solution, conforme à la doctrine administrative, demeure contestable dans son principe. Si l’absence de remise en cause de l’exonération en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique est logique, il devrait en aller de même en cas de cession amiable dans le cadre d’un projet d’utilité publique.

Merci a Monsieur Henri LEYRATAnimateur Scientifique AUREP

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