Crédit photo : MQ-Illustrations – stock.adobe.comL’administration fiscale vient de rendre public un nouvel avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal au titre duquel il a considéré que la clause d’accroissement insérée dans l’acte de vente du bien immobilier constituait une opération artificielle destinée à dissimuler une donation
Affaire n° 2021-08 concernant Mme X
Par acte notarié du 2 mai 2013, M. et Mme X, mariés le 18 janvier 1997 sous le régime de la séparation de biens, ont acquis en commun un appartement au prix de 610 000 euros ainsi que les biens mobiliers le garnissant pour une somme de 50 000 euros soit une somme globale de 660 000 euros à laquelle viendront s’ajouter une commission de négociation de 33 000 euros et des frais d’acte s’élevant à 41 600 euros. Le coût global de cette acquisition s’élève donc à 734 600 euros.
Cette acquisition a été soumise aux droits de mutation, prévus par l’article 1594 D du code général des impôts, qui se sont élevés, sur une base de 610 000 euros, à 31 049 euros.
Cet acte notarié précise que le financement par les acquéreurs de cette acquisition a été assuré : – au moyen d’un emprunt bancaire à hauteur de 454 000 euros ; – au moyen des deniers personnels à concurrence de 280 600 euros.
Cet acte notarié contient un pacte tontinier ainsi rédigé :
Le présent acte d’acquisition en commun emporte attribution de la propriété intégrale au survivant des acquéreurs.
Cette stipulation est exclusive, sauf en ce qui concerne la jouissance, qui aura lieu, ainsi qu’il sera dit ci-après, en commun.
Il est convenu entre les acquéreurs, à titre de clause aléatoire, que le premier mourant d’entre eux sera considéré comme n’ayant jamais eu la propriété du bien, laquelle sera censée avoir toujours reposé sur la seule tête du survivant.
Aucun des coacquéreurs ne pourra demander le partage ou la licitation du bien acquis, le pacte tontinier étant exclusif de l’indivision.
Par suite :
– Jusqu’au décès du prémourant, leurs droits sont concurrents, chacun des acquéreurs sera donc propriétaire du bien acquis sous condition résolutoire de son prédécès et sous condition suspensive de sa survie, ils en auront la jouissance commune,– Au décès du prémourant, ses héritiers ne pourront prétendre à aucun droit sur ledit bien et le survivant sera considéré comme ayant été seul propriétaire à compter de la date » de l’acte notarié.
M X est décédé le 27 juin 2013. Mme X est donc devenue, par l’effet de la clause d’accroissement dite de tontine, l’unique propriétaire du bien immobilier et ce, de manière rétroactive, au 2 mai 2013.
A l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration a considéré que la clause d’accroissement insérée dans l’acte de vente du bien immobilier constituait, dès lors qu’elle était dépourvue de tout aléa, une opération artificielle destinée à dissimuler une donation. Elle a ainsi relevé que l’acquisition de ce bien avait été financée uniquement par M. X privant cette opération d’aléa économique dans la mesure où celui-ci ne pouvait tirer un bénéfice de la clause d’accroissement.
Elle a également constaté qu’il était notoire que M. X, qui était médecin avant d’exercer une autre carrière, était atteint d’une longue maladie dont il décédera moins de deux mois après l’acte d’acquisition de ce bien et a estimé que les éléments qu’elle a relevés remettaient en cause la réalité de l’aléa vital. Enfin elle a considéré que les conditions prévues à l’article 894 du code civil relatif à la donation étaient remplies.
L’administration a ainsi considéré que M. et Mme X avaient entendu se soustraire aux dispositions du code général des impôts fixant la tarification des droits de mutation à titre gratuit prévus à l’article 777 du code général des impôts.
Par une proposition de rectification en date du 12 décembre 2019, l’administration a donc mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L 64 du livre des procédures fiscales et, regardant la transmission par pacte tontinier comme une donation entre époux, a soumis celle-ci à ces droits de mutation. Elle a assorti les droits dus, s’élevant à 103 062 euros, de la majoration pour abus de droit au taux de 80 %.
Le Comité a émis l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du LPF
Source : Séance du 6 mai 2021 : avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal commentés par l’administration (CADF/AC n° 4/2021)Article publié le 28 juillet 2021
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