Notre tour d’Europe des Européens, en ce début d’année 2023. Aujourd’hui le Portugal avec Ana Navarro Pedro, correspondante à Paris de l’hebdomadaire portugais Visão

franceinfo : Comment vont les Portugais, les Portugaises en ce début 2023, comment abordent-ils cette année ?

Ana Navarro Pedro : Avec beaucoup plus d’appréhension que l’année dernière. D’abord parce qu’ils voient bien qu’il y a l’inflation qui commence, faisant diminuer les exportations et le tourisme, et la consommation interne qui avait bien fonctionné l’année dernière au bout de deux ans de confinement, où évidemment personne n’avait rien dépensé, il y a eu pas mal de dépenses.

Cela fait que l’économie portugaise a grandi quand même de 7,7% l’année dernière, la plus grosse croissance en Union européenne, mais une récession arrive et elle sera certainement importante aux États-Unis, elle va aussi affecter nos partenaires européens, ce qui veut dire que nos exportations vont diminuer, que nos amis européens et autres dans le monde, ne vont pas venir faire du tourisme au Portugal. Donc nos recettes vont considérablement baisser. La croissance est prévue à environ 1,6% dans l’hypothèse la plus pessimiste, 4% la plus optimiste.

En France, on parle beaucoup d’énergie. Avec l’Espagne, vous êtes un cas à part, il y a la barrière des Pyrénées. Que se passe-t-il pour votre énergie ?

Notre énergie, on en a beaucoup parlé en France, en demandant de faire la même chose, parce que le Portugal et l’Espagne se sont bien démenés au sein de l’Union européenne, et ça, bien avant la guerre, car on voyait venir la hausse du prix du gaz, parce qu’évidemment, les marchés à terme nous l’indiquaient. Et donc on s’est dit que cette grille tarifaire européenne était absurde puisqu’elle dépend du dernier prix du gaz acheté par la dernière centrale à avoir fourni le plus d’électricité. Donc c’est toujours une centrale allemande avec du gaz, et donc cette péninsule qui est quasiment une île énergétique a bien négocié ensemble, pour avoir une dérogation, et sortir de cette grille tarifaire absurde européenne.

Et c’est ce qui nous a sauvés aussi dans notre grande croissance de l’année dernière, et dans notre inflation moindre que dans les autres pays de l’Union européenne. Le prix de l’électricité qui a quand même augmenté, qui a été assez atténué par des mesures de l’État, des aides aux entreprises, et surtout aux foyers, aux ménages. Et donc, le Premier ministre portugais, Antonio Costa, a dit en novembre déjà, « on va continuer à négocier ». Il n’y a aucune raison pour que ça s’arrête, parce que cette dérogation était valable pour un an, jusqu’en mai de cette année. Il faut dire que la France nous a bien aidés dans cette démarche.

Fin 2022, un scandale au Portugal…

Un énième scandale et pour commencer l’année avec un cinquième, sixième, remaniement ministériel. En deux mots, cette fois-ci, c’est une conseillère de la compagnie aérienne portugaise qui est une compagnie d’Etat, la TAP, qui part avec un demi-million d’euros d’indemnisation, pour aller diriger l’organisme qui surveille le trafic aérien au Portugal. Donc, à nouveau un salaire très, très agréable. Et bien ça, ça ne passe pas, dans un pays où tout le monde a du mal à vivre, où la compagnie aérienne en question est sous perfusion de l’Etat, 2 milliards quand même l’année dernière pour tenir debout.

Donc, scandale immense. Les ministres et secrétaires d’état de tutelle qui ont accepté cela, ont dû démissionner, et un remaniement qui n’augure rien de bon pour les Portugais à nouveau. Parce que ce Premier ministre qui a été tant aimé pour les nominations, les remaniements ministériels, tout cela ne profite plus à une société civile, ne profite plus à tous ces talents qu’il avait fait entrer dans le gouvernement précédent, sous pression évidemment de ses alliés au Parlement. Et maintenant qu’il a la majorité absolue, il fait entrer seulement ses amis de l’appareil d’Etat du Parti socialiste. Et ça commence à fatiguer sérieusement mes compatriotes.

Un lien linguistique historique avec le Portugal, c’est le Brésil. Et ce que ce qui se passe au Brésil, les Portugais se sentent concernés ou pas ?

Énormément concernés, avant même l’Europe. Et puis il y a une communauté brésilienne au Portugal, c’est la première communauté immigrée au Portugal. Et donc évidemment, ce qui se passe dans ce pays nous touche de très, très près. Parce qu’on voit bien que ce qui se passe au Brésil, après ce qui s’est passé aux États-Unis, nous savons que les démocraties sont extrêmement faibles en Occident, et qu’il n’est pas exclu que ce qui est arrivé dans les Amériques, ça n’arrive pas aussi en Europe. 

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