L’objet n’est pas ici de rappeler les 20 articles de la Loi HOGUET ni ceux des lois qui suivirent (SRU, DALO,ALUR, ELAN, CLIMAT avec le nouveau DPE,…), ni d’énumérer la liste des documents obligatoires pour la signature du mandat ou de la promesse de vente.
Au-delà de la loi, nous nous attacherons dans le même temps à son esprit. Aussi, nous prendrons quelques exemples de situations vécues par le professionnel de la transaction résidentielle, en prise directe avec une règlementation mouvante.
En effet, l’Agent immobilier qui détient une carte T, a ce devoir de bonne foi[1] et doit la garantir à chacune des parties cocontractantes, en même temps qu’il doit l’incarner.
Il est le garant de :
- La sécurisation des actes,
- La transparence sur toute la chaîne de valeur,
- La recherche d’informations là où subsisterait des interrogations…au travers de la confrontation du réel avec les documents dont il dispose ou qu’il doit rechercher.
Matérialisée par le document d’informations précontractuelles[2], la bonne foi est la valeur cardinale des relations entre l’intermédiaire et son(ses) mandant(s). Renouvelée tous les trois ans, et non plus tous les dix ans, cette carte oblige ainsi l’Agent- c’est une nouveauté- à un contrôle de formation continue pour pouvoir continuer d’exercer.
Je note, en tant que formatrice, que ce public aguerri au métier est de plus en plus demandeur d’une formation aussi pointue qu’élargie. Pour mon plus grand bonheur. Parfaitement conscient de l’importance de sa mission, l’Agent se voit de plus en plus remis en cause dans son devoir de conseil. Aussi, c’est dans un cadre strict de représentation de son mandant[3]qu’il guide ses clients vers les meilleurs décisions possibles, sans les prendre pour eux[4]. Ainsi, sans avoir le périmètre de responsabilité juridique d’un notaire, l’Agent est néanmoins le mandataire de son (ses) vendeur(s).
Le mandat de vente signe le processus de négociation
Par ailleurs, c’est lors de la constitution du dossier de vente que de nombreuses pièces sont collectées. Il suffit d’un « trou dans la raquette » pour que la bonne foi de l’une ou l’autre des parties soit remise en cause ; et pour l’Agent, son devoir de conseil. Comprenez ; pour que les honoraires in fine de l’Agent le soient aussi, en plus de sa réputation.
Un premier exemple : le DPE devenant opposable, la chaîne des ventes est théoriquement sécurisée. Cependant, sans état des nuisances sonores aériennes pour un bien situé dans une zone de bruit définie par un plan d’exposition au bruit[5], l’acquéreur peut saisir le tribunal et demander l’annulation de la vente, en plus de dommages et intérêts.
Un second exemple : la répartition du coût des travaux est souvent l’objet de confusion. « Les sommes ne sont pas dues, …en fonction de la date à laquelle les travaux ont été votés, mais en fonction de la date d’exigibilité des appels de fonds pour les travaux »[6].
Ce qui change la donne. Aussi, les fondamentaux du code civil nous rappellent que : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent un contestation à naître ». Métier de funambule qu’est celui d’Agent immobilier, quand on le pratique avec passion et sérieux.
L’Agent immobilier, un rôle de chef d’orchestre
Réunir les conditions de garantie de sécurisation de l’acte de vente renforce cette dimension de conseil parfois galvaudée ou sous-estimée. Le consommateur, vendeur ou acheteur, attend du professionnel en immobilier qu’il pilote son projet tel un chef d’orchestre. Aussi, de la prise de mandat à l’acte authentique de vente, du dossier de diagnostics à celui du financement, en passant par l’avocat et le notaire, l’Agent est le réceptacle des injonctions, parfois contradictoires, des uns ou des autres.
Si en plus en tant que rédacteur de l’acte, il devient responsable juridiquement des termes de la promesse, alors sa vigilance doit être totale. C’est ainsi qu’il négocie pour son mandant, pilote la quasi-totalité du projet en vue de la bonne fin de la vente.
On comprend alors que sa dimension de négociateur l’oblige à élargir sa mission dans la recherche d’(s) acquéreur(s) solvable(s) et motivé(s). Enfin, au regard de sa bonne foi désormais exigée aux trois stades du contrat : négociation, formation et exécution, il y trouve un filet de sécurité contre le risque de conflit d’intérêt, surtout au deuxième stade où la tentation de « glisser pour soi-même un avantage »[7] n’est pas négligeable.
C’est bien ce qui a légitimement, poussé les pouvoirs publics à renforcer le cadre règlementaire depuis vingt ans.
La réalité du métier d’Agent immobilier est complexe et exige de l’anticipation. Il est un funambule qui évolue sur une ligne de crête. Tombera ? Tombera pas ? Des cadres législatifs pour traiter les copropriétés en difficultés à l’adoption du nouveau DPE, du décret de 2016 sur le droit des obligations – succédant tout juste à la Loi ALUR – au bail réel solidaire, la législation en prise avec le métier d’Agent immobilier évolue sans cesse.
En protégeant le consommateur, elle vise à la professionnalisation de ce dernier. C’est une très bonne nouvelle. Encore récemment, le 28 Mai 2022, la mise en application du décret N° 2022-424 du 25 Mars[8] allonge à nouveau la liste des informations à fournir aux acheteurs. L’Agent immobilier n’a pas fini d’ajuster son cadre de références, notamment au regard de cet article 1112-1 du CC :
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation[9]. Ont une importance déterminante les informations qui on un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie».
L’Agent doit se ménager des preuves écrites afin qu’il puisse, le cas échéant, apporter le constat de son respect à cette obligation d’information, sachant qu’avec la loi de 2016, « la bonne foi porte sur les informations dont on dispose [10]».
D’autre part, on sait que le terme de compromis est impropre juridiquement. Il n’est pas le nom du processus de cet accord des parties qui serait réduit, dans ce cas, à l’addition de valeurs individuelles en lieu et place d’une communauté d’intérêts portée par la promesse.
La loi rejoindrait-elle l’esprit de la loi ?
Dans un certaine mesure, revenons aux mots de Jean-Pierre DIVOUX sur le rôle de l’Agent :« Ce n’est ni l’effet du hasard, ni celui d’un souci esthétique si le schéma emprunte la forme d’une roue…Il s’agit de mettre en œuvre toutes sortes de talents pour parvenir à la conclusion de la vente d’un bien immobilier [11]».
Telle est la mission transversale de l’Agent immobilier :
Un processus complexe « d’interactions potentiellement stratégiques, dans lequel deux parties ou plus en conflit cherchent à faire mieux qu’elles ne pourraient le faire autrement à travers une action décidée conjointement »[12].
[1] Ordonnance N° 2016-131 du 10 Février 2016, rentré en application le 1er octobre sur le droit des obligations Afin de garantir de la généralisation de la bonne foi à tous les stades du contrat, le professionnel doit veiller à ce que l’une des parties n’y introduise pas d’avantages pour elle-même. [2] DIP. [3] Le mandat de vente étant un contrat de négociation. [4] La clause de représentation du mandataire en dessine, dans le mandat, le périmètre et l’Agent doit le respecter. [5]L 112-6 du code de l’urbanisme. [6] ARC, La copropriété pratique en 300 questions, 13 édition page 274. [7] Conférence RICS du 26 Avril 2017 : Négociation et pourparlers. [8] Code de la consommation art L 221-5., complète la liste de l’article R 221-2 du code de la consommation, visant les ventes sur internet, par correspondance ou par téléphone, mais aussi « hors établissement ». [9] Arrêt BALDUS : « L’acheteur, non professionnel, qui avait caché la véritable valeur des photos qu’il avait achetées n’a pas commis de dol ». [10] Conférence RICS, op.cit. [11] La fonction de l’Agent Immobilier dans la vente d’immeuble achevé, thèse de doctorat, soutenue le 21 juin 2016, Université de Lorraine, page 157. [12] ALLAIN Sophie, INRA, ENS Cachan, à propos de l’ouvrage de David A.LAX et James K.SEBENIUS, The Manager as a Negociator, in Cairn,2004/2 n°2.
Article écrit par Mme Sophie SARAGA et tiré de la revue » sweetimmo »
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